Les visages de pierre
Sauvons notre patrimoine funéraire rural...
lire la suite de l'articleÀ travers ces histoires authentiques, je souhaitais rendre hommage à ces femmes courageuses qui œuvrèrent durant la guerre de 1914-1918.
Des héroïnes, des anonymes, nos grands-mères, arrière-grands-mères…
Mais que savons-nous vraiment de la souffrance de ces épouses anéanties par la douleur de la séparation ?
Mon grand-père héros malgré lui, plongea dans le chaos infernal des tranchées à juste dix-neuf ans, il survécut miraculeusement au prix de séquelles psychiques irréversibles.
Honneur à Louise, Anna et à tous ces visages enfouis dans l’ombre de la Grande Guerre.
*Le photo montage ci-dessus est réalisé par mes soins, avec des archives authentiques.
« Louise épousa Lucien dans la petite église de son Jura natal par une belle journée de juin 1914. La mobilisation générale sonna le glas de leur amour, un samedi d’août de cette même année. Louise fixa longuement la silhouette de Lucien son bleuet* bien-aimé, aussi longtemps qu’il lui fût possible…
Il s’effaça telle une ombre éclatante, entre le ciel et les buissons bordant le chemin qui menait à Saint-Claude. Pour tromper la douleur de l’absence, Louise travailla sans relâche, point de repos pour cette jeune femme de vingt ans à peine, il fallut s’occuper aux champs, nourrir le bétail…
Un mois, puis deux, puis d’autres identiques défilèrent sans nouvelles, la peur et la faim tenaillaient le ventre. Plus de larmes, plus de prières, juste un corps amaigri, un fétu de paille vidé de sa « substance ». Louise se résigna à déposer l’alliance d’argent sur la table de nuit « peur de perdre dans le paillage de l’écurie le dernier lien la reliant au fil tragique de sa vie »...
L’hiver arriva vite, trop vite…
Louise l’avait pourtant bien senti cette morsure cinglante sous son châle de laine, alors qu’elle charriait des tronçons de fayards* sur le traîneau à bois. Un matin de février 1915, une fièvre subite la cloua au lit, elle se laissa glisser sans volonté, dans un délire qui dura trois jours et trois nuits. Une pneumonie foudroyante l’emporta, ses derniers mots furent pour Lucien son mari, volé par « La Der des Ders ».
Une modeste carriole cahota son cercueil jusqu’au cimetière enneigé, cette foutue guerre rendait les visages austères. Lucien ne rentra jamais au village, « mort pour la patrie » citait la dernière correspondance. Son corps ne fut jamais retrouvé, « transformé en chair à canon » marmonna son père Joseph la gorge nouée, en serrant le billet de ses mains tremblantes : c’était son fils unique.
En mai 1916, la mort le faucha dans sa cinquante-troisième année, il se brisa le cou en tombant dans l’auge des cochons « l’avait trop bu !», racontèrent les doyens du village ! Durant ces quatre années terribles plus de temps pour panser ses plaies, ni pour penser aux morts : « ça remplit la tête et ça vide le ventre ! » …
Ainsi se terminaient les histoires d’amour dans nos campagnes, durant cette maudite guerre. »**
** « Souviens-toi l’été 1914 » MOINE Corinne
Cette histoire est rédigée à partir de faits réels
*« Bleuets » soldats inexpérimentés à l’uniforme bleu horizon « Classe 17 nés en 1897 ».
*Hêtres dans le Haut-Jura
La Première Guerre mondiale occasionna plus de 15.000 grands blessés de la face « Les Gueules Cassées ».
« De jeunes soldats dont les visages broyés par les fragments d’obus, virent leur destin basculer dans l’horreur. »
La complexité des blessures conduira les chirurgiens à inaugurer une spécialité inédite jusqu’alors : la chirurgie maxillo-faciale.
Les « gueules cassées » – Les visages défigurés de la Grande Guerre – Herodote.net
Alors qu’elle vit à Boston, Anna Coleman Watts Ladd, une jeune sculptrice prend connaissance du travail d’un confrère qui réside à Londres : il confectionne des masques en plâtre pour les soldats défigurés.
En mai 1918, sous l’égide de la Croix-Rouge américaine, Anna Coleman Watts Ladd ouvre à Paris un atelier « de masques », dédié à la chirurgie réparatrice des Gueules Cassées.
Pour réaliser par moulage une empreinte de la face de l’homme défiguré, la sculptrice remodèle avec du plâtre les parties manquantes du visage en se basant sur des photos du soldat réalisées avant la guerre.
La prestigieuse maison d’orfèvrerie française, Christofle a en charge la fabrication de la prothèse en cuivre.
La galvanisation ( ajout d’une couche de zinc ) permet d’éviter la corrosion de ce dispositif artificiel.
La prothèse est préalablement recouverte d’une peinture-émail inaltérable, imitant à la perfection la couleur de la peau du blessé.
Barbe ou moustache habilement confectionnée avec des cheveux, ajoute une touche de réalisme.
Faute de subventions, l’atelier parisien est contraint à fermer ses portes.
En 1932, Anna Coleman Watts reçoit le prestigieux grade de Chevalier de la Légion d’honneur.
Grâce à son dévouement exemplaire, de nombreux anciens combattants reprirent « un semblant de vie normale ».
Elle s’éteindra le 3 juin 1939 en Californie.
*Christofle est une entreprise d’orfèvrerie,, fondée à Paris en 1830 par Charles Christofle,, elle est toujours en activité.
*Source Whikipédia
Sur cette vidéo, vous pouvez admirer le travail d’Anna Coleman qui réalisait des masques « prothèses » pour les soldats défigurés.
ALBERT Marius MOINE naît le 28 mars 1897 sur la commune de Forens (Chézery Ain), un petit hameau montagnard enserré entre les Monts Jura et le crêt de Chalam.
Fils d’une longue lignée de cultivateurs, ses parents Louis Alexandre et Marie Anthelmette élèvent des vaches dans les alpages.
Le 8 janvier 1916, Albert n’a pas encore dix-neuf ans, pourtant la mobilisation sonne le glas de sa vie paysanne.
Affecté au 107e régiment d’artillerie lourde à Dole sous le matricule 1143, il combat dans plusieurs corps d’armée, sur différents fronts : Verdun, Serbie, Roumanie, Bulgarie et Orient.
Le 19 juillet 1917, il est blessé par un éclat d’obus au bras gauche, puis intoxiqué par les gaz déversés sur Verdun au jour du 15 juillet 1918.
De son épopée dramatique, je retiendrais cette histoire bouleversante d’humanité…
Le valeureux soldat Albert, au péril de sa vie traîna hors du front un officier blessé à l’abdomen. Ce dernier le gratifia de son arme et de quelques jours de permission pour son acte de bravoure.
Albert réintégra donc son bataillon, malheureusement nombre de ses compagnons d’armes étaient tombés au champ d’honneur.
Hasard du destin, son acte héroïque lui sauva la vie !
Le jeune Albert fut décoré, toutefois ces quelques insignes militaires ne soulagèrent aucunement les meurtrissures enfouies.
Ce soldat de dix-neuf ans, précipité dans les tranchées poussiéreuses sous les fumées des bombes, sans expériences des combats, n’était autre que mon grand-père paternel dont je salue la mémoire aujourd’hui.
Il s’est éteint le 26 décembre 1969, désormais il repose dans le petit cimetière communal de Chézery.
*Fiche militaire de mon grand-père, archives de l’Ain
Montage photographique réalisé avec les archives militaires de mon grand-père
Victimes conflit 1914/1918 | Militaires | Civiles | ||||
France | 1 397 800 | 300 000 | ||||
France+alliés* | 9 720 453 | 8 867 757 |
* Y compris les Empires austro-hongrois, Royaume de Bulgarie, Empire Allemand, Empire Ottoman
Statistiques source Whikipédia : ici
La Première Guerre mondiale fit s’entre-tuer des millions d’hommes pendant plus de quatre ans… Combien de femmes ? L’Histoire ne le mentionne pas… Dans les campagnes les femmes remplacèrent les hommes enrôlés dans l’armée, elles contribuèrent à « l’effort de guerre », jouant un rôle social, économique au péril de leur vie. Des héroïnes mobilisées pour soutenir la patrie, évaporées dans l’ombre des Poilus de la Grande Guerre...
Rédaction/Moine Corinne.
Je tenais à remercier chaleureusement les personnes qui ont contribué par leurs récits à l’histoire de Louise et Lucien basée sur des faits réels.
Merci à ma maman qui m’a transmis le parcours héroïque de mon grand-père « ancien poilu » et dont je détiens les médailles aujourd’hui.
Archives de l’Ain
Archives of American Art / Smithsonian Insitution pour les photos/vidéo d’Anna Coleman Watts Ladd
Toutes les photos présentées sont authentiques et proviennent de ma collection personnelle
*Les photos estampillées LS&L sont soumises à des droits d’auteur.
*Les textes portant un astérisque sont l’entière propriété intellectuelle de la rédactrice.
Bonjour Corinne. Je viens de lire tes 3 textes. Très beaux malgré la cruauté. Toutes ces vies gachées. Ces destins brisés. Dans toute famille on a ces exemples. Mon grand père maternel est revenu gazé. Maman me racontait combien sa santé en avait pris un coup. Je viens de lire
un livre ces jours derniers sur le destin d’une femme pendant cette guerre. Je te le mets de côté
et quand nous ouvrirons dans quelques mois je te le passerais.
Nous traversons aussi actuellement une curieuse époque. Prend bien soin de toi
et au plaisir Corinne. Marie-Claire
Bonjour Marie Claire… J’ai eu la chance de connaître un peu mon grand-père paternel, par pur hasard j’ai trouvé sa fiche militaire dans les archives de l’Ain… Voilà donc un peu de sa mémoire conservée pour les générations futures ! Je te remercie pour ta fidélité, prends soin de toi aussi… et des abeilles ! À très bientôt. Corinne