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À propos de moi

Stèle funéraire datant de 1939 cimetière de Savigny Haute-Savoie

La mortalité infantile aux siècles derniers

#Contexte

Les grandes villes du XIXe siècle s’érigent tels des cloaques pestilentiels : immondices jetés sur les trottoirs, taudis insalubres, proximité des morgues et des cimetières… Dès 1832, ces vecteurs bactériologiques sont pointés du doigt par le médecin hygiéniste Louis-René Villermé, alors que sévit à Paris une épidémie de choléra. Conscient que les infrastructures sont obsolètes, il exhorte les pouvoirs publics à réagir : il faut soigner la cause pour guérir le mal ! À la noirceur de ce tableau, s’ajoute la promiscuité des familles défavorisées qui s’entassent dans des masures vétustes, favorisant la propagation de virus mortifères. Des fratries entières sont décimées à quelques jours d’intervalle ! Dans les campagnes de la France ancienne, les enfants à peine âgés de six ans s’affairent aux travaux des champs contribuant au gagne-pain de parents démunis. L’épuisement physique conjugué à la malnutrition engendre une surmortalité infantile. Avec la prépondérance de l’activité industrielle, cette main-d’œuvre sous-payée s’active dans la poussière étouffante des mines (15 heures/jour), les accidents sont nombreux… La société ne s’afflige guère de ces vies perdues, les parents y voient même un soulagement, car ce sont des bouches à nourrir en moins ! Au fil de l’Histoire, l’omniprésence de la mort infantile est vécue comme un processus cyclique immuable, les familles résignées acceptent cette réalité douloureuse. Les progrès de la médecine et l’évolution des mentalités, permettront d’entrevoir une nouvelle façon de penser : la mort précoce des enfants n’est pas une fatalité en soi mais une conjonction de facteurs qui peut être corrigée par la seule intervention humaine.

Nota bene : Le Conte de Rambuteau -Claude-Philibert Barthelot- (1781- 1869) fut le concepteur des grandes restructurations de la ville de Paris, dont le réseau d’égouts.


L’enfant défunt

#Coutumes

Divers rituels accompagnent le décès d’un enfant, ils varient selon la condition sociale, les croyances religieuses, les superstitions… Dans les familles aisées, un peintre vient à domicile pour exécuter un portrait de l’enfant défunt, une prestation jugée onéreuse mais nécessaire pour garder un souvenir. Ces tableaux « chers » au cœur des parents endeuillés s’affichent dans la pièce principale aux yeux de tous, un lien mémoriel qui contribue au lourd travail de deuil. Dans la religion chrétienne, les parents pauvres confectionnent de curieux objets de piété à l’interprétation naïve : des ex-voto. Déposés en guise d’offrandes à la chapelle du village/oratoire, ces objets de dévotion permettent d’espérer une grâce divine qui fera sens au chagrin.

Petit garçon sur son lit de mort tenant en sa main une branche de laurier symbole d’immortalité et rose en bouton signifiant une mort prématurée

-Matthijs van den Bregh- (1617-1687)

*Cliquez l’image pour agrandir…

Les œuvres posthumes des siècles derniers, nous renvoient à des émotions purement artistiques « on voit sans voir la réalité cachée derrière ». Si le tableau ci-dessus était une photographie, quelle serait votre réaction ?


L’invention de la photographie

#Contexte

La fin du XIXe siècle est marquée par une fulgurance de progrès sociaux… Les grandes villes se réorganisent, morgues et cimetières* sont excentrés pour enrayer les épidémies, chamboulant au passage les repères culturels et les mentalités. De ce grand remue-ménage sociétal, émerge Nicéphore Niépce le concepteur d’un procédé photographique révolutionnaire. Après sa mort en 1833, Louis Daguerre peintre/photographe poursuit les travaux de son prédécesseur, en 1839 le daguerréotype* voit le jour. L’invention est décriée, nombre de peintres s’insurgent contre cette « passade du moment » qui met en péril leur activité artistique jusqu’alors florissante. Les plus avant-gardistes d’entre eux « flairant le bon filon » se reconvertissent en photographes portraitistes. De 1845 à 1850, un seul atelier produit jusqu’à cinq mille photos portraits par an.

*Les cimetières déplacés impactèrent les familles qui ne pouvaient plus s’y rendre régulièrement, la photo post-mortem assura donc le lien mémoriel.

Nota bene : La photo post-mortem apparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle au cœur d’une Angleterre victorienne. Cette pratique fera des émules et gagnera les États-Unis puis l’Europe. On peut effectivement l’analyser comme un prodigieux phénomène de société..

Post-Mortem Photography: Examples by Photographic Type – UM Clements Library (umich.edu)

Portrait de famille

L’artiste photographique, Evariste Daunay naquit en 1838 à Poitiers (Vienne), il vécut jusqu’à l’âge de 33 ans soit jusqu’en 1872…

Cette photo authentique à au moins 150 ans…


La photographie posthume

#Coutume

La photographie moins chronophage et plus abordable en matière de coût, s’impose comme un véritable phénomène de société, balayant au passage des décennies de traditions liées aux sacro-saints portraits « peints ». Dès 1842, des ateliers parisiens orchestrent les défunts dans des mises en scène fastueuses, dignes des chefs-d’œuvre de grands maîtres. La photo post-mortem exprime une démarche commémorative forte, conforme pour son siècle, bien loin d’une banale coutume photographique ! Rangé dans l’album de famille, le portrait posthume joue son rôle de maillon intergénérationnel… Un aïeul, un visage, une histoire de famille, un témoignage qui perdura dans le temps tel un fil d’Ariane généalogique. Aucune représentation picturale, si parfaite fut-elle ne restituait un tel degré de réalisme, vous imaginez aisément que pour l’époque ce n’était pas la photo que l’on visualisait, mais bien le sujet représenté !

Sur cette photo mettant en scène la grotte de Lourdes, le visage du défunt est colorisé, le trépied positionné à l’arrière stabilise le corps. (Cliché authentique/Collection personnelle).

La dépouille est apprêtée, fardée, fleurie dans les règles de l’art « pictural », le photographe use de subterfuges : minuscules attelles de bois afin de maintenir les yeux ouverts, incision des paupières pour ajourer les pupilles ! Le clou du spectacle : une ingénieuse armature qui stabilise le cadavre en position assise/debout… ( à l’origine ces armatures permettaient aux modèles de rester immobiles, le temps de prise étant très long ). Aujourd’hui, nous pouvons qualifier ces portraits posthumes de chefs-d’œuvre en « trompe-l’œil », tant notre perception visuelle est leurrée par maints détails produisant sur le mort un simulacre de vie ! Des portraits d’un autre temps, qui s’apparentent à un funeste bal des horreurs, car comment faire abstraction de la rigidité cadavérique et de la dégradation des tissus corporels par fortes chaleurs !

Avaient-ils recours à des techniques d’embaumement ?

La photo post-mortem se démocratisa avec les portraits à domicile (moins onéreux), des clichés scéniques d’une grande technicité artistique. Les enfants défunts positionnés au milieu des leurs, nous illusionnent par des postures aux faux-semblants photogéniques. La photographie posthume perdura dans nos campagnes jusqu’en 1950, avec la traditionnelle veillée funèbre (le mort est photographié sur son lit).

De nos jours cette coutume photographique n’a plus cours en France, pour des raisons d’éthique, des lois furent promulguées pour que soit traité avec décence le corps des personnes décédées.

« Droit à l’image des défunts » ARTICLE 16-1-1*

*Le problème d’un possible droit à l’image des morts est apparu à l’occasion de clichés d’une actrice défunte publiés par un journal en 1858. La famille de la victime s’estimant lésée par ces clichés avait alors assigné devant un tribunal le journal concerné.

Sur cette photo, vous remarquerez le pied de l’armature derrière les bottines de l’enfant, les pupilles sont peintes avec une légère disproportion pour simuler une illusion de vie. (Cliché authentique/Collection personnelle).

Sur ce document authentique, on aperçoit un détail révélateur d’un cliché post-mortem : une tringle métallique blanche facilement identifiable sous les souliers de l’enfant. Bien que l’état de conservation de cette archive ancienne ne soit pas parfaite, on distingue deux lanières ceinturant chaque mollet. La chaise permet de stabiliser la dépouille de cette petite fille. (Collection personnelle).


Les prémices de la thanatopraxie

#Les pionniers de l’embaumement

En France, la première technique d’embaumement est mise au point en 1832 par Jean-Nicolas Gannal.

Ce chercheur aux connaissances pharmaceutiques avérées, élabore un procédé chimique* permettant la conservation des tissus corporels : injection dans la carotide d’une solution de sulfate d’alumine.

En Amérique, en pleine guerre de Sécession (1861/1865), le Docteur Thomas Holmes (1817–1900) est commissionné par le corps médical militaire pour embaumer les dépouilles des officiers* tombés au champ d’honneur. Il s’inspire donc des travaux de Jean-Nicolas Gannal pour améliorer sa solution injectable dite de conservation et devient le « père » incontesté de la thanatopraxie.

En 1890 le formaldéhyde ou formol remplacera les solutions composées d’arsenic extrêmement toxiques.

Je n’ai pas trouvé de documents apportant la preuve que l’embaumement servait la photo post-mortem, cependant en considérant les recherches de Jean-Nicolas Gannal, il est envisageable que l’élite sociale y eut recours dans des situations exceptionnelles…

Le coût d’une telle intervention ne s’adressait certainement pas au commun des mortels !

De nos jours la présentation des défunts est effectuée par des thanatopracteurs, des professionnels diplômés aux multiples connaissances anatomiques.

Cette vocation nécessite une grande stabilité psychologique au vu du contexte.

Nota bene : Le livre de Jean-Nicolas Gannal « Histoire des embaumements » (1838), sera traduit en anglais en 1840 et deviendra le document de référence sur l’embaumement aux États-Unis.

*Les familles firent pression sur les instances militaires pour bénéficier des premières techniques d’embaumement afin que les dépouilles des soldats soient transportables jusqu’aux lieux d’inhumation.

*Brevet déposé en 1837

*Modern Embalming – UM Clements Library (umich.edu)


Pourquoi les enfants ?

#Lien mémoriel ante-mortem

Alors ante-mortem ou post-mortem ?

L’Angleterre victorienne* n’échappe pas au climat anxiogène lié aux épidémies, les mères posent « pour le souvenir » avec leurs enfants... Cette anticipation photographique « ante-mortem » qui s’apparente à un phénomène sociétal est somme toute assez logique au vu du contexte mortifère de l’époque. N’oublions pas qu’il meurt autant de nourrissons qu’il en naît ! Les « Hidden mothers » (mères cachées) camouflées en chaise pour maintenir leur progéniture, suscitent encore beaucoup d’interrogations : il semblerait que nombre de ces portraits soient post-mortem ! Je vous invite à vous faire votre propre opinion en observant foule de détails qui pourraient vous mettre sur la piste de cette énigme insoluble !

Galerie de photos

*La photo post-mortem prend sa source dans l’Angleterre victorienne

#Lien mémoriel post-mortem

Beaucoup de familles « populaires » font venir un photographe à domicile*pour acquérir un portrait souvenir qui comptera au rang des objets les plus précieux… Des mises en scène théâtralisées particulièrement poignantes montrent les enfants défunts assis sur des coussins en compagnie de leurs parents/frères/sœurs ou de leur animal fétiche. Harnachés sur des armatures dans des attitudes arrangées, ces enfants à la sévérité glaçante nous questionnent tant l’illusion de vie s’avère remarquable. Beaucoup d’entre vous qui ignorent encore cette coutume photographique ancienne, seront « sans aucun doute bouleversés » en découvrant l’envers de ce décor scénique troublant !

*Moins onéreux qu’un atelier photographique

#Lien mémoriel d’aujourd’hui

De nos jours la photo post-mortem est remise à l’honneur (attention juridiquement encadrée) dans certaines maternités*, pour que les parents endeuillés par une mort périnatale puissent garder un souvenir de leur nourrisson. Dans ce contexte, il n’est pas de notre ressort de juger, le travail de deuil étant propre à chacun et chacune.

*Au-delà Des Nuages est une ASBL qui soutient les parents en deuil périnatal grâce à la photographie. 

« www.audeladesnuages.be »


Conclusion

En dehors, de toute considération éthique et idéologique la photographie post-mortem dans son entièreté, nous impose une réalité très « crue » de la mort, le malaise « visuel » est accentué par l’aspect fantomatique de ces photos aux tonalités sépia.

Sachons garder à l’esprit le contexte historique….

Bibliographie

Rédaction Moine Corinne

Morel, Marie-France. « La mort d’un bébé au fil de l’histoire »

Whikipédia « Hidden mothers » et « Daguerréotype »

Toutes les photos présentées sont authentiques, elles proviennent de ma collection personnelle.

Prochain article « Souviens-toi l’été 1914 «  vous y découvrirez l’histoire émouvante de mon grand-père ancien poilu…

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est le-saule-et-leglantine_logo-3.png.

* Les photos estampillées LS&L, les textes sont soumis à des droits d’auteur.

*Les textes sont l’entière propriété intellectuelle de la rédactrice.

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