Les histoires de l’ombre
Bienvenue dans ma nouvelle rubrique…
lire la suite de l'articleFigés dans le granit, des visages silencieux nous interpellent — les sourires de pierre s’éteignent sous les panaches de lierre.
Dans un ultime recueillement, la nature poétise le décor funéraire à l’abandon…
Le long des allées, des anges enlacés à leur croix ciselée, prient pour que des vents plus cléments les emportent vers le ciel de la postérité.
Désormais, les cœurs émaillés ne reposent plus en paix.
Ce cœur sans fioritures, symbole du sentiment sincère, s’étiole tels les pétales d’une fleur éteinte.
Couchée sur un tapis d’herbes folles, une stèle nous dévoile la scène poignante d’un enfant guidé vers le repos éternel.
Foi et amour confondus dans la pierre avec une extrême sensibilité artistique.
Des colonnes brisées empruntées à l’Antiquité, derniers témoins d’un faste passé, et dépassé — somnolent dans les bosquets de lavande, comme dans les bras de Morphée.
« Mon carré est chasse gardée ! »
— semble revendiquer, une tombe ceinturée d’anneaux formant une lourde chaîne.
Un carré d’éternité, peut-être…
Car il me faut vous évoquer la disparition programmée de cette sépulture, privée de concession à perpétuité.
Les pensées se cueillent du regard, les mots s’effeuillent et s’effacent sous les outrages du temps, en une charmante métaphore :
« Mes pensées vous accompagnent… »
Oui, mais jusqu’où ?
Car l’éternité n’est, hélas pas de notre monde !
Comment ne pas s’émouvoir devant la richesse de tous ces ornements, ouvragés avec le geste patient de l’artisan d’antan, qui n’avait nulle autre quête que d’offrir un peu de lui-même.
Tant d’épitaphes pieuses, muant la mort en perpétuel amour, mises au rebut.
Nos vieux paroliers de pierre se meurent tristement dans l’indifférence des vivants !
« Les visages de pierre » MOINE Corinne
Croix ciselée, cimetière de Challonges — Haute-Savoie —
Croix ciselée, cimetière de Challonges — Haute-Savoie —
Stèle funéraire d’enfant datant de 1939, cimetière de Savigny — Haute-Savoie —
Lors du renouvellement de la concession, cette œuvre d’art a été conservée et placée derrière la nouvelle stèle.
Stèle funéraire datant de 1800, cimetière de Bassy — Haute-Savoie —
Vase de type Médicis début 1900, cimetière de Montanges — Ain —
Sépulture avec chaîne composée d’un assemblage de maillons afin de délimiter le carré funéraire.
Ange en prière sur croix ciselée, cimetière de Lhôpital Chanay — Ain —
Croix ciselée, cimetière de Lhôpital Chanay —Ain —
Cœur et Christ 1933, cimetière de Clermont en Genevois — Haute-Savoie —
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les inhumations se faisaient principalement dans les églises ou dans des cimetières paroissiaux.
Cette cohabitation des morts et des vivants reflétait une conception profondément religieuse de la mort.
Face aux problèmes sanitaires posés par les inhumations intra-muros, le décret royal du 10 mars 1776 ordonna le déplacement des cimetières hors des villes.
Cette mesure fut renforcée par le décret impérial du 12 juin 1804 — toujours en vigueur aujourd’hui — qui interdit les inhumations dans les églises et imposa la création de cimetières en dehors des zones habitées.
Le législateur, n’ayant pas fait mention de date butoir pour l’exécution de ce décret, nombre de cimetières restèrent à leur emplacement initial.
Peu à peu relégué hors du monde des vivants, puis sacralisé par l’Église, le cimetière devint un lieu de silence et de recueillement, chargé de symboles, nourrissant croyances, peurs et tabous.
Les cimetières témoignent des pratiques culturelles, des sensibilités esthétiques et des croyances spirituelles d’une époque.
Plusieurs associations œuvrent pour la sauvegarde de ce patrimoine souvent méconnu.
De même, l’association Les Appels d’Orphée, fondée en 1977, se consacre à la protection du patrimoine funéraire du XIXe siècle.
La Commission Nationale de Sauvegarde du Patrimoine Funéraire, créée par Urgences Patrimoine, agit concrètement pour protéger les sépultures menacées.
Ces actions contribuent à une meilleure reconnaissance et valorisation de ces lieux de mémoire.
La législation française encadre également la protection du patrimoine funéraire.
La circulaire n° 2000/022 du 31 mai 2000, précise les modalités de protection des tombes et cimetières en tant que monuments historiques.
De plus, la loi du 19 décembre 2008 a renforcé les pouvoirs des maires en matière de sécurité des monuments funéraires.
Désormais, si un monument présente un danger, le maire peut ordonner sa réparation ou sa démolition.
Pourtant, malgré ces initiatives, le patrimoine funéraire reste en péril — menacé par l’abandon, le vandalisme, les aléas divers et les reprises de concessions.
Derrière leur apparente modestie, les cimetières ruraux recèlent une richesse historique et artistique insoupçonnée.
Témoins des traditions locales et de l’évolution de l’art funéraire, ces lieux de mémoire méritent une attention particulière.
Pourtant, nombre d’entre eux sont aujourd’hui menacés par le manque d’entretien…
La reconnaissance officielle de ces sites en tant que patrimoine permettrait :
Il est plus que jamais temps que les collectivités locales prennent conscience de la valeur de leur propre patrimoine funéraire et engagent des actions concrètes pour garantir sa sauvegarde.
Il est de notre devoir de veiller à ce que nos vieilles tombes continuent de raconter aux générations futures, les histoires de ceux qui les ont précédés.
Voici une liste non exhaustive de petits cimetières ruraux qui vous dévoileront la poésie de leurs vieilles tombes : Lhôpital à Chanay 01 -Bassy 74 -Chézery 01-Montanges 01-Corbonod 01-Clermont 74-Seyssel 01/74-Savigny 74-Challonges 74 …
Belle découverte…
📖 Philippe Ariès – L’Homme devant la mort (1977)
📖 Jean-Olivier Majastre – « L’espace des morts et le monde des vivants » 1977
💻 Site dédié – Trésors de nos cimetières ➡️ [Lien]
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« Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné,
parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. »
Henry Scott-Holland
Bonjour Corinne, Bravo pour cette recherche très fouillée à propos des cimetières, de la mort. Je te rejoins complètement sur les lieux de mémoire, d’histoire que sont les cimetières. Mais Corinne tu dois bien savoir que dans notre société actuelle, on occulte la mort, il ne faut pas en parler. Faisons comme si elle n’existait pas, et quand elle arrive, restons bien pantois et désemparé. Et passons vite à autre chose. Que c’est triste et que de problèmes psychologiques qui se créent dans cette société. je te signale à côté de chez moi,le plus vieux cimetière du coin,où des tombes… Read more »
Bonjour Marie-Claire, Effectivement après de nombreuses lectures,j’ai pu constater que la mort était un sujet tabou dans nos sociétés modernes et comme je le précise dans mon article j’ai eu beaucoup de difficultés à aborder ce sujet au combien sensible. Mais je l’ai réalisé avec tact car si la mort rebute bon nombre de nos contemporains, il me fallait passer « par là » pour relayer mon message de sauvegarde du patrimoine funéraire. Ma grand-mère était très conservatrice en matière de rituels liés à la mort, mais curieusement elle avait une grande ouverture d’esprit ! J’en ai hérité ! Après le prêche… Read more »